Jeux, milieu scolaire et apprentissage: des observations à la recherche

#Compte-rendu, #Cycle de conférences 2022, #Semaine du Cerveau, #Corporalité du jeu
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Le mercredi 16 mars 2022, Game in Lab et S[Cube] ont organisé une table-ronde intitulée « Jeux, milieu scolaire et apprentissage : des observations à la recherche ». Cet événement qui a eu lieu pendant la Semaine du Cerveau, inaugure le cycle de conférences 2022 qui porte sur la corporalité du jeu.

Participants :

  • Céline Lanoé, maître de conférences à l’université de Caen-Normandie et chercheuse associée au projet JEUMetacogite
  • David Ros, maire de la ville d’Orsay, professeur de physique à l’Université Paris Saclay, initiateur du projet Orsay échecs.
  • Marc Quenehen, auteur et entraîneur d’échecs, coordinateur du projet Orsay Echecs.

Animation : Thomas Cariatre, blogueur, podcaster, passionné de jeux de société

Deux expériences de terrain portées par les participants ont offert un cadre aux discussions sur l’utilisation du jeu en milieu scolaire, les impacts sur l’apprentissage et sur les fonctions cognitives et exécutives, les enjeux de mener des expérimentations en classe :

David Ros, ancien joueur d’échecs de haut niveau, a initié il y a une dizaine d’années le programme Orsay échecs porté par la mairie de la ville, pour encourager la pratique de ce jeu à l’école élémentaire. L’initiative a rapidement été plébiscitée par les élèves concernés, par les enseignants et par les parents. Il concerne aujourd’hui toutes les écoles élémentaires de la ville. Certains enfants pratiquent désormais les échecs en compétition. 

Les adultes encadrants observent des bénéfices sur le développement des enfants : implication, concentration, développement de l’esprit stratégique et tactique.

Selon David Ros, le jeu d’échecs permettraient aussi aux joueurs d’apprendre de leurs échecs dans une perspective de progression. Selon lui, cette méthode d’apprentissage ludique gagnerait à s’adapter en France et à s’étendre donc, dans d’autres domaines.

Marc Quenehen, entraineur et animateur du programme, observe aussi des résultats positifs sur des enfants en difficulté. En effet, les échecs peuvent devenir un langage commun, susceptible de mettre les enfants en situation de réussite de manière égalitaire et de révéler des talents non décelés par les enseignants dans un contexte scolaire classique. Cela contribue à améliorer la confiance en soi des élèves.

Impacts de la pratique du jeu sur les fonctions cognitives des enfants 

Céline Lanoé présente le projet JEUMetacogite. Le but de ce projet est d’apprendre à des élèves québécois âgés de 9 à 11 ans des éléments de fonctionnement du cerveau pour appréhender leurs fonctions cognitives, ce qui bénéficie aux apprentissages scolaires plus classiques. Le programme repose sur la pratique de jeux de société. Anick Pelletier, orthopédagogue et initiatrice du projet, et Céline Lanoé utilisent des jeux grand public comme Jungle speed ou Le monstre des couleurs afin d’entrainer les enfants à réguler leurs émotions mais aussi à développer des fonctions exécutives comme la planification, la flexibilité, l’adaptation.

Le jeu d’échecs n’a pas été retenu car il demandait trop de temps de mise en œuvre du fait de ses règles plus longues à intégrer.

Selon David Quenehen, le jeu d’échecs apporte des bénéfices semblables à ceux recherchés par l’équipe JEUMetacogite. Les compétences développées, comme l’apprentissage de la géométrie, la stratégie, la planification, la concentration et la tactique reposent par exemple des processus combinatoires. Il s’agit donc d’un jeu complet – même si les interactions sociales peuvent être moins prégnantes que lors d’une partie de jeu de société.

Objectifs comparés des programmes Orsay échecs et projet JEUMetacogite

Selon Céline Lanoé, l’objectif principal de JEUMetacogite est d’évaluer scientifiquement la contribution de l’entrainement des fonctions exécutives par le jeu à la réussite scolaire. Les bénéfices observés du programme Orsay Echecs restent empiriques. Marc Quenehen et David Ros envisagent d’engager une évaluation scientifique systématique afin de mesurer les apports d’une initiative comme Orsay Echecs aux apprentissages et au développement cognitif des enfants. Les modalités d’une telle évaluation ont été discutées.

Céline Lanoé a partagé son expérience de conduite de programmes d’évaluation en milieu scolaire, notamment de l’importance de constituer des groupes contrôle pour isoler les effets de l’expérience par rapport à d’autres interventions. Pour le JEUMetacogite, Anick Pelletier et Céline Lanoé utilisent différents types d’évaluation pour mesurer les résultats : des questionnaires destinés aux enfants, des tests informatisés en classe et enfin, des questionnaires destinés aux enseignants et aux parents. Les enseignants québécois sont formés à la méthodologie puis entraînent les enfants des groupes à jouer. Céline Lanoé et les chercheurs de son laboratoire de l’université de Caen se chargent, dans un second temps, de récupérer les différentes données recueillies, de les traiter puis de les analyser. Le rôle des enseignants est essentiel dans cette démarche.

Céline Lanoé pense que ce type de projets reste encore à un stade embryonnaire aujourd’hui, plus souvent faisable en maternelle et qu’il est plus difficile de justifier des bienfaits de l’apprentissage par le jeu dans un cadre institutionnel. Il faut donc bien définir dans le programme les objectifs visés ainsi que la méthode d’évaluation en montrant comment le jeu se met réellement au service de l’apprentissage.

Merci à nos participants pour cette passionnante discussion et à Thomas Cariatre pour l’animation.

Retrouvez la conférence sur notre chaine Youtube :