« Yes, we need a neuroscience of play » par Philipps Stevens Jr.

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Résumé (Abstract) L’ethnologie ou l’approche comparative interculturelle de l’anthropologie culturelle, reconnaît depuis longtemps que les humains et les animaux jouent à toutes les étapes de leur vie car le jeu est universel. Le jeu peut être thérapeutique et il est très probablement enraciné dans la neurobiologie évolutive de notre espèce. Dans son travail fondateur en 1938, le néerlandais Johann Huizinga dans son ouvrage classique Homo ludens, a le premier proposé une approche neuroscientifique en suggérant que le jeu offrait un état séparé de la conscience. Le retard dans l’application des neurosciences vis-à-vis de l’étude du jeu repose sur deux facteurs : en premier lieu, à cause de l’ignorance des travaux pionniers, et deuxièmement, du fait de l’incapacité des chercheurs à s’entendre sur une définition commune à donner au jeu. Aujourd’hui, les neurosciences sont en plein essor, explorant de nombreux aspects de l’émotion et du comportement humain, et de ce fait, bon nombre des premières suggestions de l’anthropologie sont en cours de vérification.

Source de l’article : https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/21594937.2020.1720147

Mots-clés 

Jeu, neurosciences, anthropologie.

Eléments à retenir

L’anthropologie a depuis longtemps reconnu que la culture est un phénomène neurobiologique et qu’il existe un fait fondamental dont les anthropologues doivent tenir compte : les animaux et les humains jouent de la naissance à la mort. De plus, il existe des preuves solides que le jeu n’est pas seulement un aspect intégral du mode de vie des mammifères, mais qu’il est nécessaire et vital au développement « normal » à la fois de l’organisme lui-même et de sa maturation en tant qu’être social. (Stevens Jr., P. (1977b). Laying the groundwork for an anthropology of play. In Stevens (Ed.). Studies (pp. 237–249).

D’après une approche neuroscientifique, le rire (que la pratique ludique peut favoriser) favorise la libération d’opioïdes dans le cerveau, ce qui produit le même type de réponse qui génère l’état transcendant dans les états altérés connus en anthropologie sous le nom d’extase chamanique et de transe de possession. (Prince, R. (1982). The endorphins: A review for psychological anthropologists. Ethos (berkeley, Calif), 10(4, Winter), 303–316).

Le jeu est fondamentalement un phénomène neurologique car il est basé sur un système cérébral central et qu’il est essentiel pour une croissance et un développement normaux.  Un enfant privé de jeu a  une probabilité plus élevée que la normale non seulement d’être diagnostiqué avec un TDAH (Trouble du Déficit de l’Attention avec ou sans Handicap), mais aussi de devenir reclus et une menace potentielle pour la société à l’âge adulte. ( Panksepp, J., & Biven, L. (2012). The Archaeology of Mind. New York: W.W. Norton).

 Les effets potentiels sociaux, émotionnels, comportementaux et même cognitifs de la privation de jeu sont suspectés depuis longtemps ; ils sont maintenant bien connus des psychologues du développement et des spécialistes de la petite enfance. Des recherches entreprises sur le cerveau montrent que le jeu joue un rôle beaucoup plus important dans la santé, le développement et la forme physique que ce que l’on pensait auparavant. La recherche sur le jeu et le cerveau peut éventuellement éclairer les mécanismes cérébraux du jeu humain. La privation du spontané, le jeu créatif, quelle qu’en soit la cause, peut entraîner un développement, un apprentissage et un comportement retardés ou aberrants, mais un jeu normal et sain renforce le cerveau, améliore l’apprentissage et favorise un développement sain. (Frost, J. L., Wortham, S. C., & Reifel, A. S. (2012). Play and child development (4th ed). Upper Saddle River, NJ: Pearson).

Certains scientifiques décrivent le jeu comme étant un « état modifié ». On parle aujourd’hui dans le langage courant de l’état de flow, reconnu comme l’essence de l’expérience ludique, ce que Huizinga définissait comme « une absorption intense et totale ». (Brown, S. (1998). Play as an organizing principle: Clinical evidence and personal observations. In M. Bekoff, & J. A. Byers (Eds.), Animal play: Evolutionary, comparative, and Ecological Perspectives (pp. 243–259). Cambridge: Cambridge U.P).

Des chercheurs du Loma Linda University Medical Center ont découvert que le rire (toujours engendré par le jeu) génère très rapidement des modèles d’ondes cérébrales similaires à ceux générés par la méditation. Toutes les régions du cerveau sont impliquées et la dopamine, qui alimente les circuits de récompense du cerveau, circule librement, créant un effet extrêmement agréable. (Berk, L., Alphonso, C., Thakker, N., & Nelson, B. (2014a). Humor similar to meditation enhances EEG power spectral density of gamma wave band activity (31–40 Hz) and synchrony. FASEB Journal, 28, 684.5).

La pratique ludique a donc une fonction de développementale importante, plusieurs études cliniques le montrent – les gens heureux sont en meilleure santé que personnes malheureuses, et cette affirmation a été vérifiée pour les personnes à toutes les étapes de la vie, de la petite enfance à la vieillesse. Le jeu – amusant – est thérapeutique, rafraîchissant, revigorant, bon pour tous. (Phillips Stevens Jr. (2020): Yes, we need a neuroscience of play, International).

L’auteur

Phillips Stevens, Jr., est professeur émérite agrégé d’anthropologie à l’Université de Buffalo.

Cinq sources à retenir

Frost, J. L., Wortham, S. C., & Reifel, A. S. (2012). Play and child development (4th ed). Upper Saddle River, NJ: Pearson.

Huizinga, J. (1955). Homo Ludens: A study of the play element in culture. Boston: Beacon Press. (orig. Dutch 1938; English trans.: Routledge & Kegan Paul 1949).

Lancy, D. F., & Tindall, B. A. (1976). The anthropological study of play: Problems and prospects. Cornwall, NY: Leisure Press.

Panksepp, J., & Biven, L. (2012). The Archaeology of Mind. New York: W.W. Norton.

Siviy, S. (2016). A brain motivated to play: Insights into the neurobiology of playfulness. Behaviour, 153, 819–844.